Le quart d’heure de gloire, une installation pour se brosser les dents
Neo Valen
L’installation
J’apprécie le silence, surtout lorsqu’il sied parfaitement à l’endroit, là où l’on peut écouter le chant des oiseaux, le frémissement des feuilles dans les arbres. Au cœur de la montagne, à proximité d’un lac alimenté par une rivière riche en poissons, se mirent les montagnes environnantes. Le lac y est d’une tranquillité absolue, sans la moindre brise. Pour moi, c’était l’endroit idéal pour y introduire une note discordante, pour y troubler ce silence.
J’ai choisi d’installer un vieux téléphone à 1800 mètres d’altitude dans les alpages, le reliant par un câble téléphonique de 300 mètres jusqu’aux sommets, grâce à la complicité d’un gardien de montagne et à l’accès à sa ligne téléphonique. Ce vieux téléphone, posé sur un rocher, pourrait retentir suite à un simple appel, dont le numéro serait partagé. Je l’ai nommé “Ring Point”.
Et le téléphone sonna
À l’instar du clic qui met en marche un système déviant, l’idée d’agir à distance me captive. En composant un numéro de téléphone, on initie une sonnerie qui, laissée sans réponse, va retentir sans cesse, troublant la sérénité de la nature, de jour comme de nuit, suivant le rythme des appels. À l’autre bout du fil, il y a une incapacité à visualiser la scène et à prendre conscience de la pollution sonore ainsi générée. Tout est dissimulé, rendu invisible, pour faciliter la désinhibition.
Le résultat
Le résultat est frappant : une nature magnifiquement souillée par une laideur saisissante. Un simple téléphone posé sur un rocher, repoussant la faune – chamois, oiseaux – et attirant paradoxalement les hommes. Ce téléphone, doté d’une existence propre dans la blockchain, est connecté à “Ring Point” par radiofréquence. Ce téléphone continuera de sonner jusqu’à une date déterminée, moment où, selon le contrat d’exécution, il cessera de fonctionner. L’instant précis de la fin de “Ring Point” reste incertain, mais inéluctablement, un jour, il s’arrêtera, et “Ring Point” le fera à jamais.