2008
Sculptures Vivantes
“Le terme de “sculpture vivante” n’est pas tout à fait approprié, bien que sous certains aspects, mes sculptures possèdent de multiples âmes. Un peu à l’image de mes “Hommes qui Filent”, j’ai créé des œuvres composées de matériaux ayant une existence réelle, comme des cintres que des personnalités m’ont donnés pour construire ma sculpture “Cintres Vie”. Par ailleurs, je crée des interactions avec le public, comme des confessions en ligne, que j’associe à des pierres pour élaborer une autre sculpture.
Cette approche complexifie notre compréhension traditionnelle de ce qu’est une sculpture. Elle n’est pas simplement un objet statique, mais un ensemble dynamique d’éléments et d’expériences qui évoluent en fonction des interactions et des contributions. Les matériaux eux-mêmes portent des significations et des histoires qui enrichissent l’œuvre, lui conférant ainsi une sorte de multiplicité d’âmes.
Eca Arsen
Arsen Eca, le subtil artiste phygital, navigue au cœur d’une démarche artistique qui fait la part belle à la mémoire intrinsèque des objets du quotidien. Son atelier, semblable à une alcôve où le temps suspend son vol, abrite un dialogue silencieux entre le tangible et le numérique. Les sculptures d’Eca, loin d’être de simples représentations matérielles, sont le reflet d’une quête de la mémoire émotionnelle, des histoires inscrites dans la chair du banal.
L’un des projets d’Eca, empreint d’une poésie discrète, se matérialise à travers la réception de cintres, envoyés par des personnalités suite à une opération de communication spéciale orchestrée par l’artiste. Ces cintres, objets du quotidien aux courbes familières, deviennent sous ses mains les protagonistes d’un récit muet, les gardiens d’une histoire personnelle et collective. Chaque cintre, porteur de l’aura de son expéditeur, se transforme sous l’égide d’Eca en une sculpture qui transcende sa fonction originelle pour devenir un fragment d’une narration plus vaste.
Dans une autre veine, Eca explore la confession numérique des péchés avoués en ligne par des personnalités. Il choisit des pierres, les numérote et les assemble avec une minutie quasi liturgique. Chaque pierre, une fois gravée du numéro correspondant à une confession, devient le symbole matériel d’un acte immatériel. L’assemblage final, tel un chœur silencieux, témoigne de la vulnérabilité humaine dans l’ère du digital. La sculpture, au-delà de sa forme, est le miroir d’une société où le privé et le public entremêlent leurs ombres et leurs lumières.
Le travail d’Eca n’est pas une simple célébration de l’esthétique, c’est une invitation à la réflexion, à la contemplation de la mémoire collective et individuelle. Ses œuvres sont des palimpsestes modernes, où chaque couche révèle une facette de l’expérience humaine. Les objets du quotidien, en perdant leur banalité, acquièrent une dimension poétique et narrative sous son toucher artistique.
L’artiste phygital, en explorant la mémoire latente des objets et en la révélant au grand jour, pose des questions fondamentales sur la nature du souvenir, de l’identité et de l’expression humaine dans un monde de plus en plus médiatisé. Ses sculptures sont des ponts entre le passé et le présent, entre l’intime et le collectif, et invitent le spectateur à une introspection, à une réflexion sur la trace indélébile laissée par les émotions et les expériences dans le tissu du quotidien.
La démarche d’Eca, tout en douceur et en profondeur, résonne comme une mélodie nostalgique dans le tumulte de l’ère numérique, rappelant que derrière chaque objet, chaque confession numérique, palpite le cœur vibrant de l’humain.