L’idée des individus dédiant une portion significative de leur quotidien à la prière, parfois jusqu’à cinq heures par jour, sans que cela ne relève de leur profession, m’a toujours profondément fasciné. Cette dévotion, presque rituelle, à un acte si personnel et introspectif, est une source d’inspiration inépuisable.

 

Par ailleurs, il existe des professionnels, des intermédiaires de la foi, qui offrent de prier à la place d’autrui. Ces personnes reçoivent les prières d’autres et les présentent, telles des offrandes, dans leur propre acte de dévotion. Cette notion de transmission des prières me semble empreinte d’une beauté singulière, et elle m’inspire l’idée de réunir toutes les religions en un point convergent, où chaque prière serait adressée et exaucée selon l’opérateur religieux choisi par l’émetteur.

 

J’emploie délibérément le terme “opérateur religieux”, car, dans mon observation, les religions, à l’instar des entreprises de télécommunication, deviennent des opérateurs dans le domaine spirituel. Elles offrent des services de connexion entre l’individu et le divin, chacune avec ses propres protocoles et fréquences. Cette métamorphose des pratiques religieuses en services quasi-techniques est un reflet fascinant de la façon dont la spiritualité et la foi s’adaptent et se transforment dans notre ère moderne.

 

En concevant un point d’accès unique, un clic universel pour toutes les religions, j’ai initié une révolution dans la façon dont les prières sont adressées et gérées. Cette innovation m’a propulsé, jusqu’en 2019, avant ma censure par Google, au rang de leader dans le domaine des prières, surpassant même le pape en termes de portée et d’accessibilité.

 

Cette plateforme unique, où un simple clic pouvait relier un individu à n’importe quelle tradition religieuse, a transformé la prière en une expérience plus inclusive et universelle. Elle a démocratisé l’accès à la spiritualité, permettant à chacun, quelles que soient ses croyances ou son emplacement géographique, de trouver un écho à sa voix spirituelle.

 

Ma démarche, bien que controversée, a illustré un point crucial : la spiritualité et la foi peuvent transcender les barrières traditionnelles et s’adapter aux innovations technologiques. Toutefois, cette avancée n’a pas été sans répercussions, comme en témoigne la censure de Google, une preuve de la tension entre les anciennes structures de pouvoir religieux et les nouvelles méthodes de connexion spirituelle que j’ai proposées.

Lorsque j’ai abordé cette initiative avec les journalistes, notamment ceux du magazine “Le Point” qui étaient intéressés par un article sur le sujet, j’ai toujours souligné que mon intérêt ne résidait pas tant dans la religion elle-même, mais dans l’acte d’exaucement des prières. Mon système permettait à chaque prière d’être transmise à un professionnel religieux choisi, en fonction des préférences personnelles de l’utilisateur concernant son opérateur religieux.

 

Une question encourageante m’a été posée par un utilisateur : la possibilité de changer d’opérateur religieux. Encourageante car mon système a été créé pour aller dans le sens de cette question enfin posée. Bien sûr, cela était tout à fait faisable dans mon système, sans nécessité de résilier ou de modifier un quelconque contrat. Cette flexibilité était, en effet, l’essence même du système : offrir la liberté de choisir, de changer d’opérateur pour trouver celui jugé le plus efficace.

 

Cependant, déterminer quel opérateur était le plus efficace pour l’exaucement des prières représentait un défi de taille. C’était un aspect crucial sur lequel j’ai dû travailler intensément pendant plusieurs mois. Il ne s’agissait pas seulement d’une question technique, mais aussi d’une interrogation profonde sur la nature de la foi et de l’efficacité spirituelle. Comment mesurer l’efficacité d’une prière ? Comment évaluer la performance d’un opérateur religieux ? Ces questions ont guidé ma recherche et mon expérimentation dans ce projet unique en son genre.

La progression des technologies m’a permis de faire évoluer mon système, que je considérais auparavant comme relevant de la “LowTechnologie”. En effet, le processus initial, consistant à transmettre une prière à un professionnel pour ouvrir une demande d’exaucement, me semblait inefficace – trop d’étapes, trop de résistances et de pertes.

 

Pour remédier à cela, j’ai imaginé un nouveau système, axé sur la fiabilité et la qualité de l’exaucement, visant une efficacité réseau de 98%. J’ai donc conçu une “machine à prier”, accompagnée d’un système d’émission innovant, et introduit un nouvel opérateur basé sur les attracteurs étranges et les algorithmes de Gödel, empruntant ainsi aux sciences pour renforcer l’efficacité du processus spirituel.

 

Le fonctionnement du système était relativement simple en théorie, mais complexe dans son exécution. Chaque prière, une fois reçue, était dirigée vers la cellule religieuse appropriée au sein de la machine. Là, elle était codifiée en langage binaire et traitée par un algorithme spécifique. Cet algorithme, une fois activé, émettait un flash lumineux – comme l’information se déplaçant à la vitesse de la lumière dans la fibre optique.

 

Cette première étape marquait une transition significative : d’une approche traditionnelle et humaine de la prière à une méthode plus rapide, plus précise et technologiquement avancée. Mon objectif était de réduire les délais et les incertitudes inhérents au processus de prière, en le rendant à la fois plus immédiat et potentiellement plus efficace.

Ayant accès à un large éventail de données, j’ai pu mettre en place un système de sondage pour évaluer l’efficacité de mon dispositif. En interrogeant les utilisateurs, généralement six mois après qu’ils aient formulé leur prière, je pouvais recueillir des informations précieuses sur le taux d’exaucement des prières. Cette démarche me permettait d’établir un classement des opérateurs religieux en fonction de leur performance.

Cet aspect analytique, où les réponses des priants étaient utilisées pour mesurer la performance des différents opérateurs, apportait une dimension quantitative à une pratique traditionnellement qualitative et personnelle. En fournissant un feedback concret sur l’efficacité des prières, les utilisateurs contribuaient à un système dynamique et évolutif, où les opérateurs pouvaient être évalués et comparés en fonction de leur capacité à répondre aux demandes spirituelles.

L’introduction de technologies telles que la blockchain a ouvert de nouvelles possibilités dans le domaine de l’exaucement des prières. J’ai observé que, pour de nombreux croyants, la fréquence des prières était un facteur clé : plus une prière était répétée, plus la croyance en son exaucement semblait se renforcer. Inspiré par cette idée, j’ai développé les “Moulins à Prières” sous forme d’Emochain dans la blockchain.

 

Ce concept s’inspire des Mani Korlo, ces moulins à prières traditionnels utilisés dans certaines pratiques spirituelles, notamment hindouistes. Les fidèles font tourner ces moulins pour réciter leurs prières à leur place, facilitant ainsi leur exaucement. Dans ma version moderne, une fois qu’un croyant a transmis sa prière, celle-ci est “exaucée” par la machine et enregistrée sur une Emochain, équivalent numérique d’un Mani Korlo.

 

Chaque Emochain fonctionne comme un moulin à prières numérique. La prière y est récitée à chaque rotation de la chaîne, et c’est une machine qui se charge de faire tourner ces moulins. Ainsi, chaque rotation dans la blockchain équivaut à une récitation de la prière, augmentant théoriquement ses chances d’exaucement.

 

Cette innovation représente une fusion entre spiritualité traditionnelle et technologie moderne, proposant une nouvelle interprétation de pratiques ancestrales à l’ère du numérique. Elle soulève des questions intéressantes sur la nature de la foi et de la prière dans un monde de plus en plus automatisé et connecté.

La publication régulière des performances des opérateurs religieux dans mon projet n’a pas toujours été bien reçue, notamment celle de l’opérateur islamiste qui, malgré son taux d’exaucement élevé, a suscité des réactions mitigées. Plusieurs interlocuteurs m’ont contacté, exprimant leur scepticisme quant à la possibilité qu’une machine puisse remplacer l’humain dans l’acte de la prière. En réponse, je suggérais que le temps ainsi libéré pouvait être consacré à cultiver la bienveillance ou l’amour.

 

Une personne pratiquant l’islam m’a fait remarquer l’importance de l’effort personnel dans la prière, un aspect qu’une machine ne peut manifestement pas reproduire. Cette personne, s’adonnant à la prière plusieurs fois par jour, semblait insatisfaite de mon explication. J’ai alors proposé l’idée qu’un lien d’effort pouvait être établi entre les activités quotidiennes et la prière effectuée par la machine. Par exemple, porter des caisses lors d’un déménagement tout en pensant à la prière en cours dans la machine. Cependant, je crains que cette idée n’ait pas été convaincante.

 

Quant aux Manikorlo, ces moulins à prières numériques intégrés dans ma machine à prier, ils sont visibles dans la blockchain et peuvent même être utilisés comme monnaie d’échange. L’évaluation de la performance des opérateurs religieux a ouvert la voie à un marché émergent : le trading de prières. L’idée d’acheter à bas prix des Manikorlo islamistes ou catholiques dont les prières n’ont pas été exaucées, pour ensuite les revendre lorsque les opérateurs exaucent les vœux, pose une question fascinante sur les interactions entre la foi, la technologie et l’économie.